Comparatif : le calibre 8 mm 1892 / 7,65 Browning

Le présent article est une continuité logique de l’article précédent concernant le revolver réglementaire Français mle 1892. Vous pourrez trouver le premier article ici : Revolver MAS mle 1892, réalisation armurière et évolution du contexte.

Cet article tire sa source d’une rumeur (pas entièrement fausse)  qui consiste à dire que la munitions de calibre 8 mm utilisée par le revolver mle 1892 est trop faible. Le déclassement de cette arme serait dû au calibre employé. Un autre élément déclenchant la rédaction de cet article est la découverte d’un comparatif entre les munitions d’arme de poing utilisées par la France pendant la grande guerre (Le document est reproduit ci- dessous).

Il sera détaillé dans cet article des données balistiques concernant les calibres 8 mm 1892 (8 mm Lebel) et 7,65 Browning (32 acp). Je tirerai du rapprochement de ces données mes conclusions sur le déclassement du revolver MAS mle 1892.

La cartouche française de 8 mm 1892

Pour m’aider dans ma réflexion, je vais me servir d’un tableau provenant d’un catalogue Fiocchi qui est très intéressant à plus d’un titre. Le voici :

Selon moi, ce tableau est très utile car il donne pour un même encartoucheur moderne des éléments balistiques de plusieurs calibres d’époque. Il est donc très facile de comparer et de débattre autour des choix faits par les divers état-majors et gouvernements d’alors. Tout en ayant en tête que nous ne parlons pas de munition d’époque mais de reproduction respectant tout ou partie des caractéristiques d’origines.

Les données fournies par le fabricant Italien Fiocchi (voir le tableau ci dessus) indique que pour un poids de balle de 7,2 grammes, soit 111 grains, et une vitesse à la bouche de 260 m/s. L’énergie de l’ogive à la bouche est de  245 joules.

En comparant l’énergie à la bouche de plusieurs calibres réglementaires, on s’aperçoit que le 8 mm 1892 est une des plus faible de l’époque.  La raison est due à la vitesse du projectile qui est faible. La 8 mm Steyr a une énergie bien supérieure avec un poids de balle très proche : 7,3 grammes, soit 113 grains, et une vitesse à la bouche de 330 m/s. L’énergie de l’ogive à la bouche est de 395 joules. La pression maximale moyenne d’une cartouche en 8 mm Steyr est : 2300 bar (CIP). La pression moyenne d’épreuve d’une cartouche en 8 mm Steyr est : 2990 bar (CIP). Ces mêmes données pour la 8 mm 1892 sont : 1200 et 1560.

Un des sommets est atteint par la cartouche de 7,63 Mauser, qui, en propulsant une ogive de 88 grains à 440 m/s à une énergie de 550 joules (très proche de la cartouche de 9 x 19 : environ 600 joules). La pression maximale moyenne d’une cartouche en 7,63 Mauser est : 2600 bar (CIP). La pression moyenne d’épreuve d’une cartouche en 7,63 Mauser est : 3380 bar (CIP).

Dans leur livre consacré aux pistolets Star et Ruby, les auteurs produisent une table balistique des munitions Françaises de la grande guerre et comparent ainsi le 8 mm 1892 et le 7,65 mm Browning. L’énergie des ogives est identique et est exprimée en kgm : 19 kgm, soit : 186 joules. Encore moins que le chiffre annoncé par Fiocchi dans son catalogue.

L’énergie est la même pour une 7,65 Browning et pour une 8 mm 1892. Comment peut on dire que la faiblesse de la munition 8 mm 1892 a déclassé le revolver 1892 alors que sa remplaçante transmet la même énergie. Est ce vraiment le calibre seul qui a participé au déclassement de l’arme ?

Les caractéristiques de la 8 mm 1892 :

  • Diamètre maxi de la balle (CIP) : 8,28 mm ;
  • Diamètre dans le creux des rayures (CIP) : 8,30 mm ;
  • Diamètre sur le haut des rayures (CIP) : 8 mm ;
  • Pas des rayures (CIP) : 240 mm ;
  • Longueur maxi de l’étui (CIP) : 27,4 mm ;
  • Longueur de la cartouche (CIP) : 37 mm ;
  • Masse de la balle (Fiocchi) : 7,2 g ;
  • Masse de la balle (Livre : Star et Ruby) : 7,85 g ;
  • Vitesse initiale (Fiocchi): 260 m/s ;
  • Vitesse initiale (Livre : Star et Ruby): 220 m/s ;
  • Énergie initiale (Fiocchi): 245 Joules environ ;
  • Énergie initiale (Livre : Star et Ruby): 186 Joules environ ;
  • Pression max moyenne (CIP) : 1200 bar ;
  • Pression d’épreuve (CIP) : 1560 bar.

La cartouche de 8 mm mle 1892 est une munition à bourrelet donc utilisable essentiellement en revolver.

C’est huit ans après l’adoption du revolver MAS mle 1892 et de sa cartouche de 8 mm qu’apparaissait sur le marché le pistolet Browning 1900 et sa cartouche de 7,65 Browning. Il va découler de cette nouveauté toute une série de pistolets de conception simple et au pouvoir d’arrêt similaire.

La cartouche de 7,65 browning / 32 acp

Introduite en 1899 par la FN pour être utilisée dans son pistolet automatique mle 1900, la cartouche de 7,65 Browning va bousculer le marché de l’arme de poing. Cette cartouche de faible pression va permettre la fabrication de pistolet automatique fiable et simple car sans système de verrouillage. L’absence de ce type de dispositif diminue de façon importante le nombre de pièce et la complexité de celles-ci. Les méfaits des anarchistes de cette période ont contribué, de part leur médiatisation, à la propagation de ces armes de poing d’un nouveau genre. L’engouement est rapide, c’est un succès populaire.

Pour étudier cette cartouche, je m’aiderais d’une autre page du même catalogue Fiocchi. La voici :

On retrouvera plusieurs références de cartouche de calibre 7,65 Browning sur cette page de catalogue. Selon le type d’ogive et la vitesse de celle ci l’énergie indiquée est de 175 à 280  joules. Cette dernière valeur est obtenue par l’emploi d’une ogive pointe creuse à grande vitesse.

Le tableau cité ci-dessus du livre Star et ruby donne les éléments suivants : poids de balle : 4,85 grammes, vitesse de la balle : 270 m/s, énergie du projectile : 186 joules.

  • Diamètre maxi de la balle (CIP) : 7,85 mm ;
  • Diamètre dans le creux des rayures (CIP) : 7,83 mm ;
  • Diamètre sur le haut des rayures (CIP) : 7,63 mm ;
  • Pas des rayures (CIP) : 250 mm ;
  • Longueur maxi de l’étui (CIP) : 17,2 mm ;
  • Longueur de la cartouche (CIP) : 25 mm ;
  • Masse de la balle (livre : Star et Ruby) : 4,65 grammes ;
  • Vitesse initiale (Livre : Star et Ruby) : 270 m/s ;
  • Énergie initiale (Livre : Star et Ruby) : 186 Joules ;
  • Pression max moyenne (CIP) : 1800 bar ;
  • Pression d’épreuve (CIP) : 2340 bar.

L’étui de calibre 7,65 mm Browning est doté d’un très léger bourrelet. C’est grâce à ce bourrelet que la munition sera employée parfois en revolver.

Puisque l’énergie du projectile est la même, tentons de trouver d’autres pistes de réflexion relatives au déclassement du revolver MAS mle 1892. Vous pourrez voir ci-dessous quelques concurrents directes du revolver d’ordonnance MAS mle 1892.

Le Browning 1900 :

Très grand succès commercial qui s’est vendu à  plus de 700 000 exemplaires entre 1900 et 1912 soit environ 70 000 exemplaires fabriqués par an …rien que cela. On voit à travers les volumes fabriqués que cette arme répond à une attente du public et des administrations. Le pistolet devient simple, compacte, fiable… il se démocratise. La qualité de fabrication est aussi responsable de ce succès. L’opportunité m’a été donnée dans le passé d’avoir en main un Browning 1900, c’est une arme bien conçue, bien réalisée et très compacte. C’est une évidence, il ne pouvait que rendre obsolète le revolver. Cependant, il oblige l’utilisateur à conserver une munition en chambre et un percuteur armé.

  • masse de l’arme non chargée : 625 g ;
  • Longueur totale : 163 mm ;
  • Longueur du canon : 102 mm ;
  • Capacité de l’arme : 7 cartouches.

Le Browning 1910 :

Le browning 1910 est le successeur du browning 1900. C’est une arme plus simple que son ainé. D’une conception sans reproche, il traversera les décennies sans avoir de modifications importantes. Un dispositif très important sur cette arme est la pédale de sureté présente sur le dos de la poignée pistolet. Il sera fabriqué entre 1912 et 1975 à plus de 704 000 exemplaires.

  • Masse de l’arme en 7,65 mm : environ 590 g ;
  • Longueur totale : 153 cm ;
  • Longueur du canon : 88 mm ;
  • Capacité de l’arme en 7,65 mm : 7 cartouches.

Le FN/COLT 1903 :

Fabriqué entre 1903 et 1945 à plus de 572 000 exemplaires pour le Colt 1903 et 153 000 pour le FN 1903. Il servira aux industriels espagnol (entre autres) qui le simplifieront, il en résultera le pistolet Ruby.

  • Masse de l’arme en 7,65 mm : environ 590 g ;
  • Longueur totale : 153 cm ;
  • Longueur du canon : 88 mm ;
  • Capacité de l’arme en 7,65 mm : 7 cartouches.

Les pistolets Star et Ruby :

Ces armes seront au coté du revolver MAS mle 1892 dans les tranchées de 1914 à 1918. Ils sont une simplification des armes de grands fournisseurs citées ci-dessus.

La France s’équipe de ces matériels pour compléter les dotations sans avoir à surcharger l’emploi des manufactures nationales. Le nombre des pistolets Ruby vendus à la France est de 900 000. Le nombre des pistolets Star vendus à la France est de 24 000.

Pistolet Ruby

Pistolet Ruby

  • Masse de l’arme (pistolet Ruby) : environ 875 grammes ;
  • Longueur totale (pistolet Ruby) : 157 mm ;
  • Longueur du canon (pistolet Ruby) : 87 mm ;
  • Capacité de l’arme (pistolet Ruby) : de 7 à 9 cartouches.

Conclusion

En rapprochant les éléments ci-dessus, on peut voir que dés la sortie du pistolet Browning 1900 (seulement 8 ans après l’adoption du revolver), cette arme automatique surclasse dans certains domaines l’arme réglementaire Française du moment :

  • L’arme est plus légère ;
  • L’arme est très compacte ;
  • La fabrication est simple ;
  • La qualité de fabrication est irréprochable ;
  • La maintenance est aisée ;
  • L’arme a un encombrement moindre ;
  • La rapidité de chargement ;
  • La capacité du chargeur est supérieure.

On peut remarquer que la puissance de la munition 7,65 mm est très proche (voir identique) de la cartouche de 8 mm du 1892. Malgré cette proximité, le calibre 7,65 Browning va doter bon nombre de pays et de particuliers à travers le monde provoquant la fabrication de millions d’armes.  Ces armes équiperont diverses forces gouvernementales jusque dans les années 1970 voire 1980. On voit que le reproche de puissance s’efface face aux avantages apportés par le principe d’automaticité. Il est alors possible de placer plusieurs munitions sur un même objectif sans avoir peur de sa puissance ni du temps de rechargement de l’arme.

Le pistolet automatique de calibre 7,65 Browning a donc remplacer ou compléter dans certains cœurs et pour certaines utilisations le revolver MAS mle 1892 ou dérivés. Cependant, bien que son chargement demande un délais plus important et que sa capacité soit inférieure, il ne faut pas oublier que le revolver reste maitre sur certaines portions de l’éventail des utilisations. L’emploi, par les allemands, du revolver MAS mle 1892 sur le front de l’est lors de la seconde guerre mondiale le démontre.

L’évolution rapide du contexte industriel de la fin du 19° siècle et du début du 20°, l’évolution des poudres sans fumée, l’évolution des aciers ont permis une série de bonds en avant technologiques rendant obsolètes certaines armes et techniques de guerre. Le combat au sabre est révolu, l’économie des munitions s’estompe.

Une constante demande de modernité et d’efficacité amènera en haut des marches du podium une autre cartouche de diamètre intermédiaire : le 9 mm luger (dont l’énergie à la bouche est proche des  600 joules). Mais cela est une autre histoire.

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6 réponses à Comparatif : le calibre 8 mm 1892 / 7,65 Browning

  1. Albert dit :

    Monsieur,

    Il est incompréhensible qu’un revolver 1892 fabriqué par la Manufacture d’armes de Saint Etienne soit classé en catégorie B tandis que les copies civiles sont classées en D.
    Un Colt 1873 d’origine est classé en D, une copie est classée en B.
    Décadence des institutions françaises qui légifèrent dans des domaines auxquels elles ne comprennent rien.

    • Cédric dit :

      Bonjour monsieur,
      Le 1892 reste en catégorie B probablement car il possède tout les attributs d’un revolver moderne même si la munition est un peu faible.
      j’espère que vous avez trouvé dans cet article des éléments intéressants ayant aiguisé votre sens critique.
      N’hésitez pas à me faire part de vos souhaits de lecture, ce pourra être pour moi des idées de rédaction.
      Cordialement.
      Cédric.

  2. gniadzick dit :

    LE CLASSEMENT DU REVOLVER MOD 1892 EN B1 EST UNE DECISION NON RE-
    FLECHIE, CAR LA SGA PERMET LE CLASSEMENT EN” D” D’COPIE LAMURE ET
    GIDROL ARMURIER, AVEC DES PIECES ET CARCASSE PROVENANTS DE LA MAS
    MAIS OU DIFFERE SON CLASSEMENT EST SUR LA CARCASSE “ACIER FORGE
    MANUFACTURE DE ST ETIENNE” GRAVE, BARRILLET TOMBANT, 8 M/M LEBEL
    N° ET MOD FRAPES SUR LE CANON????ON DOIT SE DEMANDER SI LE LEGISLATEUR A TOUTES SES FONCTIONS. PIERRE LOUIS

  3. Franck dit :

    Les données de Fiocchi ne sont pas correctes pour certaines cartouches. ou ne respectent pas les chargements d’époque, exemple le 7.5mm suisse 1882, qui est une cartouche du meme niveau que la 8mm92, car en poudre noire.

  4. Cazou dit :

    Le rechargement fiocchi est à poudre sans fumée. Il est connu pour être chaud, dans ce calibre. Il vaut mieux d ailleurs utiliser pour ce rechargement un revolver suisse 1882/29, plus solide. Le tir a PSF ne pose pas de problème au 1882, si on est respectueux des tables.je crois que beaucoup de tireurs utilisent la 32 sw long, sans fumée, très précise.

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