Un Lebel 1886 à Kaboul

On dit souvent qu’une arme a plusieurs vies et par conséquent que le passé peu resurgir. Le présent article a pour but de faire resurgir un objet du passé et de porter à la connaissance des amoureux et des historiens de l’armement les photos d’une arme française retrouvée à Kaboul.

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Historique de cette arme

Il m’est impossible de narrer ici l’historique complet de l’arme depuis la sortie de sa manufacture jusqu’à Kaboul. En revanche, j’apporterai ici ma modeste contribution et donnerai aux historiens la possibilité d’accéder à cette arme en leur fournissant les photos ci-dessous. A eux d’en déduire ce qu’ils voudront au regard de leurs connaissances de l’histoire de la manufacture, du modèle d’arme considéré et de l’exploitation des divers numéros de série.

Si un spécialiste éclairé possède des données sur cette arme ou sa série (date de sortie d’usine, régiment d’affectation…), je serais ravi de relayer ces informations en étendant le présent article ou via un autre article.

La gendarmerie nationale a été projetée en Afghanistan en tant que force devant former et encadrer la police Afghane. J’ignore dans quel cadre une arme de tradition a été achetée par la gendarmerie ou donnée à cette dernière.  Cependant il se trouvait, dans les couloirs de l’état-major de la gendarmerie à Kaboul, un fusil Lebel modèle 1886. Il n’est pas impossible que cette arme ait été achetée à une échoppe du marché afghan du camp international de Warehouse à Kaboul. Ci-dessous, trois photos issues de la seule échoppe vendant ce type de produit en 2012.

Vous aurez peut être remarqué, sur la première photo, au mur, un autre Lebel 1886.

Ci-dessous, vous trouverez les photos de celui du commandement de la gendarmerie à Kaboul.

La carcasse, la boite de culasse

Nous avons vu dans un précédent article sur le revolver 1892 (lien vers l’article) la qualité des fabrications françaises de cette époque. Ici encore, il est très aisé de s’en apercevoir. On est bien loin des fabrications modernes ou tout est optimisé, les pièces très simplifiées sont fabriquées par des machines commandées par ordinateur et ou les bois sont remplacés par du plastique moulé. On est ici dans un autre monde ou les pièces passent d’opération en opération, de main de spécialistes vers les mains d’un autre spécialiste.

Provenant probablement de l’influence des armes américaines sur le vieux continent, l’alimentation du Lebel 1886 se fait via un magasin tubulaire qui se trouve sous le canon. Sans le savoir les arbitrages qui ont été fait font parti du passé. Dans peu de temps apparaitra le fusil Mauser et son magasin à pile imbriquée et un peu plus tard le fusil Lee enfield et son magasin à pile imbriquée amovible. Le fusil français et anglais utilise des munitions à bourrelet, les allemands une munition à gorge. Le futur standard sera la munition à gorge.

Vue des composants de la munition de 8 mm Lebel.

Le choix de cette munition très conique et à bourrelet va figer dans un certain passéisme l’armement français de cette période jusqu’aux années 1940. Il n’est pas facile de modifier un mécanisme Lebel pour l’adapter à une munition à gorge. Et à quoi bon le faire puisque son principe d’alimentation est dépassé.

Une version modifiée acceptera la cartouche de 7,5 mm x  54 mm.

La culasse

La forme de la culasse est très proche de celle du Chassepot et du Gras. Il y a comme un lien de parenté, une filiation très clair entre les trois pièces. Est ce une volonté de réemployer l’outil de production,  de limiter la formation des soldats et des ouvriers, ou une résistance au changement. Cet héritage sera repris sur le fusil Berthier.

Dans un prochain article, en cours de rédaction,  on pourra voir les liens de filiation qui existe dans l’histoire de l’armement français entre divers modèles. Ce lien ne concerne pas seulement les armes longues.

La platine, le pontet

Le mécanisme de détente et d’alimentation est complet et en parfait état. Il n’y a aucune trace d’oxydation.

On ne peut pas dire ici non plus que les ingénieurs aient minimisés leurs recherches et leurs ressources. Ce mécanisme est complexe, d’avantage selon moi que les armes américaines dont il est inspiré.

Je ne peux voir cet ensemble sans me poser cette question : Comment cette complexité s’est elle comportée dans la boue des tranchées de la première guerre mondiale, dans le sable d’Afrique du nord ou sous les contraintes des forêts tropicales d’Asie ou d’Afrique centrale?  Comment peut on imaginer que tout fonctionne correctement avec quelques résidus de terre projetés par les bombardements ou le fait de se jeter au sol et de ramper ? Comment nettoyer réellement un mécanisme pareil ? C’est une véritable énigme.

Quelle était la périodicité des contrôles des armuriers régimentaires sous les contraintes citées ci-dessus? Est ce que le servant avait l’autorisation de désolidariser le mécanisme de détente de la boite de culasse pour très correctement nettoyer et graisser les pièces. Toutes les personnes ne sont pas agiles de leurs mains. Combien de temps était consacré à la formation des soldats?

Les éléments de visée

La crosse

La crosse est en deux parties. Ça peut paraitre étonnant mais il s’agit d’une innovation qui a parfois été décriée. Certain contradicteur trouvant cela plus fragile. La crosse selon eux devant se casser plus facilement en cas de sollicitation.

Le bois est très sain. Il n’est ni cassé ni pourri.

Les marquages

Un marquage me choque, il ne me semble pas d’origine. Les trois derniers chiffre de la date de 1889 semble ne pas avoir la même typographie et sont à mon avis beaucoup plus net. De plus, l’arrête vive du canon produite par la réduction du diamètre externe semble un peu avachie. Les trois derniers numéros ont ils été limés et refrappés ?

Une fois de plus, si un amateur éclairé possède des informations sur le sujet …par exemple en comparant le numéro de série et la manufacture avec cette date de 1889, je suis preneur et publierais volontiers le résultat. Je ne serais pas surpris que ce ne soit pas la bonne date.

Conclusion

Le Lebel 1886 sur son présentoir dans les couloirs du COMGEND Kaboul (année 2012).

Il est particulièrement intéressant de voir l’état de conservation de cette arme. Je n’ai malheureusement pas pu tester la feuillure ce qui aurait été utile pour définir le degré d’usure interne. N’étant pas certain que la culasse est la bonne, ce contrôle aurait été aléatoire mais aurait donné d’autres données.

Quelle est la probabilité que cette arme puisse nous arriver dans cet état après tant de vicissitudes et de hasards. Pour en plus, qu’elle finisse entre les mains de français en poste à Kaboul. L’Afghanistan n’est pas vraiment la zone d’influence historique de la France, la probabilité que des soldats français soit projetés dans cette zone est aussi une occasion rare.

Au départ des forces de gendarmerie d’Afghanistan, l’arme est revenue en France parmi les caisses de matériels, les véhicules et les paquetages des militaires. Elle se trouve aujourd’hui dans un musée et est un morceau d’histoire de France et d’Afghanistan mêlé. Ce fusil est revenu dans le patrimoine Français après quelques décennies d’un détour que l’on aurait pu croire sans retour.

Une nouvelle vie commence pour notre Lebel 1886. Le dicton est bien vrai une arme a plusieurs vies. C’est d’autant plus vrai si la fabrication est de qualité et l’entretien régulier.

C’est à notre génération de former les armuriers de demain qui prendront soin du patrimoine d’hier et construiront celui du futur.

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Une réponse à Un Lebel 1886 à Kaboul

  1. Atelierboom dit :

    Bonjour,
    Je crois que ce n’est pas la première fois que du matérielle français ancien se retrouve dans ses régions. Il me semble avoir entendu parler de la carcasse d’un char Renault FT17. Apparemment, suite a la défaite de l’armée blanche pendant la révolution russe, de nombreux éléments tsariste, dont des corps expéditionnaire Français on fait retraite par ses contrés et ont abandonné du matériel au passage. Peut être l’origine de ce Lebel ?
    Merci pour l’article et votre site

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