AK 47 de la Khyber pass ?

Une quantité importante de Kalashnikov a été fabriquée dans le monde. Les productions sont inégales selon les pays et les fabricants, allant des grandes usines et ingénieurs étatiques produisant des centaines de milliers d’armes aux constructions anecdotiques et unitaires.

Le grand nombre d’armes que doit fabriquer un état pour doter ses unités exige de normaliser son outil de production pour rechercher l’homogénéité du lot et l’interchangeabilité des pièces. A contrario, les fabrications en petite série n’ont pas obligatoirement besoin de cette normalisation car les pièces ne sont pas forcément destinées à être interchangeables rapidement, elles peuvent être ajustées plus ou moins manuellement.

Un hasard de la vie m’a permis d’avoir en main une arme destinée à un musée français. La première question que j’ai eu en la découvrant a été : qui a construit cette arme ?

Je vous présente aujourd’hui cette arme qui m’a interpellé à l’époque.

Une kalashnikov de la Khyber pass ?

Avec le temps, je me pose une autre question : cette arme ne serait elle pas le fruit d’une production locale pakistanaise. Une localité située au nord est du Pakistan, proche de la frontière Afghane, du nom de Darra Adam Khel est un lieu de production d’armes et d’accessoires. Le St Etiènne du Pakistan.

Pour les lecteurs qui ne connaissent pas cet endroit, voici une vidéos trouvées sur le net :

On voit sur cette vidéo des moyens de production très divers mais éloignés des standards étatiques.

Il semblerait que les temps aient changé, les armuriers revendent leur échoppe suite aux renforcement des contrôles du gouvernement Pakistanais et des mentalités qui changent. Les magasins d’électronique remplacent les échoppes des armuriers.

L’AK 47 en question

L’arme dont je vous parle ici provient d’Afghanistan. J’ignore dans quelle circonstance elle s’est retrouvée à destination d’un musée Français et même comment s’est retrouvée en Afghanistan. Cependant, j’ai souhaité vous parler de cette Kalashnikov car le niveau de finition n’a pas le standard des grandes usines étatiques. Bien que les photos ne “rendent” pas vraiment les défauts, il sera détaillé infra les sous-ensembles qui imposent le plus de commentaires. Je trouve que deux pièces sont particulièrement mal usinées. Il s’agit de la carcasse et du support de culasse.

Le support de culasse

L’ensemble mobile d’une Kalashnikov est composé de la culasse, du support de la culasse avec son piston d’emprunt des gaz. Les deux pièces sont intéressantes à observer car on distingue un niveau de finition différent entre la culasse et son support. En effet, autant le support n’est pas très joli autant la culasse semble avoir une finition convenable.

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Vue de la partie arrière du support de culasse.

Si les parties visibles du support de culasse ont l’air présentables, il n’en est pas de même pour les parties internes donc non visibles de l’extérieur. Voici quelques photos :

Que peut on constater sur les photos ci-dessus ?

Les portions les plus importantes pour le fonctionnement fiable d’une arme sont les parties cachées. En effet, ce sont d’elles que vont dépendre les relations entre les diverses fonctions mécaniques.

Ici les parties internes n’ont pas été soignées, c’est l’extérieur qui a reçu le plus gros effort. On pourrait en déduire que la priorité du fabricant fut l’apparence et moins la fiabilité.

Si l’on regarde l’arrière du support de culasse, on voit que ce dernier a été abimé par les coups successifs du marteau. On verra dans le prochain chapitre l’état du marteau. La matière n’est visiblement pas adapté.

Kalasnikoff, AK 47, bot handle, support de culasse,

Vue de la partie arrière du support de culasse.

La culasse

Des traces d’emploi de burin sont visibles sur la culasse. De nos jours, c’est rare d’employer pour une grande série ce type d’outil. Il nécessite au moins une seconde étape de finition pour diminuer les traces laissées par le burin et obtenir des surfaces plus régulières, plus planes. Ce qui n’est pas le cas ici, le ou les ouvriers ce sont arrêtés à la première étape.

Le logement de la queue de culasse a aussi été négligé , il est brut de perçage. Qu’est ce que cela aurait couté au fabricant de percer un trou plus petit et de passer un alésoir ? Ca n’a pas été fait. La culasse a dans son logement un jeu important. Vous allez me dire que pour une Kalash ce n’est pas étonnant. Ce qui est vrai sans l’être car bien qu’il y ait du jeu dans les équivalents de l’est de l’Europe, ce jeu est bien moins important et les pièces sont parfaitement réalisées.

La culasse ne porte aucun numéro. Il est possible qu’elle ne soit pas d’origine. Comme il est dit supra, cette dernière est mieux finie que son support. Peut être vient elle d’un sous-traitant qui ne fabrique que des culasses et donc maitrise mieux sa fabrication. Ca peut être une hypothèse.

Les irrégularités du logement de “queue” de culasse n’ont pas endommagé la culasse. La surface de verrouillage ne porte pas de trace d’utilisation, de tir. Contrairement à l’arrière de son support, l’arrière de la culasse n’a pas été abimée par le marteau.

La carcasse

Selon la version de Kalashnikov, deux types de carcasse sont possibles :

  • Soit une carcasse fraisée, c’est à dire l’obtention de celle-ci par fraisage, perçage… (donc par enlèvement de matière) depuis un lopin massif d’acier  ;

  • Soit une carcasse estampée obtenue par le pliage d’une tôle de 1 mm sur laquelle viendra se riveter le support de canon (à l’extrémité avant), le support de crosse (à l’extrémité arrière), le rail de l’éjecteur (soudé par point à l’intérieur coté gauche), le rail opposé à l’éjecteur (soudé par point à l’intérieur coté droit).

AK 47 sans son couvre culasse.

AK 47, vue de l’entée de chambre.

La carcasse que nous avons ici est une version fraisée. Les photos ne rendent pas parfaitement l’état des défauts visibles à l’œil nu.

L’immense majorité des pièces sont finies à la lime puis bronzer. Il n’y a pas d’étape de finition intermédiaire et visiblement ce ne sont pas des limes fines.

La gâchette est de travers dans son logement. Il provient d’un jeu excessif entre l’axe et son logement et d’un jeu important entre la gâchette et la queue de détente.

Voici quelques photos :

On peut voir ci-dessus l’état du marteau, il est maté à force d’avoir frappé le support de culasse. Ce n’est pas ce que l’on attend d’une arme de guerre. Surtout vu la dangerosité du théâtre Afghan.

Des usinages sous l’éjecteur me laissent penser que la pointe de l’éjecteur a été soudée sur la carcasse.

L’état de surface de la chambre n’est pas lisse on peut voir des cercles concentriques probablement laissés par la fraise.

La couleur un peu rouge de la carcasse peut nous indiquer une bonne teneur en carbone de l’acier.

Les marquages

Les marquages trouvés sur cette arme laissent à penser qu’il s’agit d’une arme chinoise, une AK 47 type 56. Est ce vrai ? Je ne suis pas un expert de la Kalashnikov en général, ni de sa version chinoise en particulier. Le 56 des inscriptions de l’arme semble avoir été refrappé sur d’anciens chiffres (pas très visible sur la photo).

Marquage AK 47 chinoise. AK 47 chinese

Vue sur les marquages.

Si vous avez des photos de marquage de type 56, n’hésitez pas à me les faire parvenir pour comparaison.

La conclusion

Il ne me semble pas que ce fusil d’assaut soit de fabrication chinoise. J’ai peine à croire qu’un grand pays comme la Chine ne soit pas capable de produire une arme de guerre avec une  finition convenable.

Pour certaines pièces, la qualité des aciers semble bien médiocre. Il y a juste à regarder les déformations du métal pour se rendre compte qu’il est malléable et qu’il n’est pas adapté aux efforts qu’il subit.

Les usinages successifs qui sont mal coordonnés montrent un moyen de production et des procédures mal maitrisés. Comme il est dit dans l’introduction, le fait d’avoir une interchangeabilité des pièces , exigée par les grandes productions de masse,  demande des tolérances très serrées. Pour les obtenir, il vous faut des machines et outillages rigides accompagnés de procédures strictes ce qui permet d’obtenir des états de surfaces très propre et des pièces dans les tolérances, prêtes à être assemblées avec peu d’interventions manuelles.

Les finitions des Kalashnikov des pays d’Europe de l’est sont très bien finies par rapport à la version que nous avons étudiée. L’image populaire qui voudrait que Kalashnikov rime avec mécanique agricole n’est pas juste. Les aciers et leurs traitements sont de bonne qualité.

Je n’ai pas utilisé cette arme et ne peux donc pas démontrer clairement l’implication directe ou indirecte des finitions sur la qualité du tir.

Une arme pour quelle utilisation ?  Une arme mal usinée et mal finie dont l’intérieur et les organes de contrôle de son tir ne sont pas terribles est une arme qui n’est pas faite pour durer. Il semble qu’elle ait été faite plus pour être vendue que pour être utilisée. Cela ne peut donner satisfaction à long terme. Autant se consacrer à la qualité et ne pas perdre son temps avec des fabrications trop sommaires.

Si vous possédez une authentique Kalashnikov type 56 n’hésitez pas à me faire parvenir des photos, elles me permettront de comparer les exemplaires.

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