Le fusil mle 1866 Chassepot 2/2

Au travers de la retranscription d’un article ponctué d’une once d’optimisme paru en 1869, on a vu les débuts de l’adoption du nouveau fusil réglementaire français : le fusil modèle 1866 Chassepot.

“Une arme tirant tant de cartouches que l’ennemi serait vite taillé en pièce en cas de conflit” selon l’article d’avant guerre (celle de 1870).

Qu’en est il en 1873 ? A travers l’étude de textes moins anciens, que peut on en déduire ? Y a t’il un rapport avec des faits plus contemporains ?

L’adoption du fusil mle 1866 Chassepot

En 1865, alors que la commission permanente de Versailles avait choisi un fusil se chargeant par la bouche pour remplacer le fusil réglementaire, l’empereur Napoléon III émet le souhait de l’adoption d’un fusil se chargeant par la culasse. En effet, les récentes victoires de la Prusse obligent à un choix plus moderne. Cet état avait adopté depuis plusieurs décennies (1840) un fusil se chargeant par la culasse : le fusil Dreyse.

Sous l’influence Suisse, la tendance de l’époque tend à la diminution du calibre. On cherche une arme de calibre entre 10 et 15 mm afin d’obtenir une trajectoire plus tendue et permettre de tirer à de plus grandes distances, ce qui est moins aisé avec un projectile de 17 ou 18 mm. On cherche ainsi à impacter fortement, voir défaire, l’ennemi avant le combat à l’arme blanche.

Tableau de concordance calibre / arme réglementaire en 1866

C’est une période de fortes évolutions techniques, de nombreuses orientations existent. Cependant, on fait des tests de sélection avec un fusil rétrograde mais encore fortement ancré dans les esprits : le fusil à piston. Ce dernier représente finalement un étalon de l’ancien armement et d’une ancienne façon de faire la guerre. En revanche, aucune arme à étui métallique n’est présente sur les rangs, c’est trop tôt pour la France.

Finalement, la commission est chargée de se prononcer sur trois armes : le fusil Chassepot, le fusil Chassepot modifié par Mr Plumerel et un fusil se chargeant par la bouche. Le fusil Chassepot fut adopté.

Le créateur du fusil mle 1866 est l’auteur de trois brevets : l’obturateur en caoutchouc, le mécanisme à verrou dérivé du Dreysse prussien, la cartouche. Les caractéristiques balistiques du canon et de l’ogive : longueur de balle/calibre, poids de balle/charge de poudre, forme et inclinaison des rayures/influence de la rotation du projectile ont été définies d’après les études de divers intervenants et commissions puis  appliqués  sur le mécanisme Chassepot.

Le 14 février 1866, une commande de 1500 armes est passée à la manufacture de Châtellerault.

En juin 1866, 400 fusils sont réceptionnés. Ils seront envoyés au camp de Châlons pour être testés par la garde impériale (voir premier article sur le fusil Chassepot).

Le 03 juillet 1866, création des manufactures de St Étienne et de Puteaux. L’objectif est la fabrication de 150 000 armes par an et de 1800 machines outils destinées aux manufactures.

Le fusil mle 1866 est une arme résolument moderne pour son époque. Terriblement bien réalisée et qui a demandé un effort important à la nation. Vient ensuite le temps des premiers essais puis de l’épreuve du feu. Le seul critère de l’arme à feu individuelle ne suffit pas à prédire le vainqueur des batailles à venir.

Le cadre idyllique décrit par le premier article a t’il évolué ? Qu’en est il de la meilleure arme d’Europe ? Les brevets de Mr Chassepot sont ils adaptés à une arme de guerre construite rapidement avant un conflit important ? Ou à une arme de stand ? Le délais entre la livraison des fusils et le début de la guerre sera t’il suffisant pour remédier aux divers problèmes techniques ?

Les défauts de l’arme

Les crachements vers le visage du tireur (synonyme de manque d’étanchéité)  sont les raisons du retard d’adoption et de propagation des armes à chargement par la culasse. Mr Chassepot se sert d’un matériaux récent pour l’époque : une rondelle en caoutchouc pour réaliser cette étanchéité qui au passage réduit le recul de l’arme. La pièce se détériore de diverses manières. Elle se craquelle, elle fond et obture le canal de l’aiguille, elle perd son élasticité. Les crachements augmentent de manière croissante lorsqu’en fondant elle perd de son diamètre. Le soldat dispose dans sa giberne d’une pièce en remplacement. L’emploi de cette matière est un choix audacieux. A ce jour, très peu d’arme ont utilisé le caoutchouc pour cette fonction. Le Chassepot est peut être la seule.

Comme on l’a vu ci-dessus, l’étanchéité est plus ou moins bien faites vers l’extérieur. Il en est de même vers l’intérieur. Les gaz, fruit de la combustion de la poudre,  vont partout où ils ne rencontrent pas de résistance. C’est ainsi qu’ils passent dans la culasse par le canal de l’aiguille de percussion. Ce qui à pour conséquence de détremper le ressort de percussion entrainant une percussion faible voir la casse du ressort. Dans certains cas, il est possible d’armer le chien (le percuteur) en claquant la plaque de couche au sol. Les gaz de combustions encrassent aussi fortement l’intérieur de la culasse.

L’encrassement ne touche pas seulement l’intérieur de la culasse mais la chambre également. Des débris et résidus de tir restent présents et empêchent l’introduction des munitions suivantes.

Le diamètre de l’aiguille est de 1,5 mm. Un diamètre doublé, soit 3 mm, amènerait une solidité 4 fois supérieure selon une étude de l’époque.

La fermeture musclée de la culasse peut entraîner la percussion d’une cartouche. Cette fermeture brutale existe suite à l’absence de rampe de fermeture inclinée sur la boite de culasse. La présence de cette usinage aide le tireur à pousser progressivement la munition en chambre tout en verrouillant la culasse. L’immense majorité des armes à verrou modernes possèdent cette rampe, elle apporte un confort sans pareil.

La finition polie blanc de l’arme, en plus d’être très visible de très loin, demande un entretien important sous peine de corrosion.

Malgré le discours de Mr Thier, président de la république, du 08 juin 1872 :

“De l’avis des hommes de guerre, le fusil Chassepot était la meilleur arme en usage dans les armées”.

“Le fusil Chassepot est reconnu excellent sauf la cartouche, que tous les pays d’Europe cherchent à améliorer” …

Bien qu’il soit nécessaire d’avoir à l’esprit le contexte industriel de l’époque ainsi que la rapidité avec laquelle l’arme a été fabriquée et distribuée, il semble tout de même que l’on puisse adresser quelques reproches sur la conception du fusil Chassepot contrairement à l’article précédent.

Tableau des armes se chargeant par la culasse en Europe et aux Etats-unis

La cartouche du fusil Chassepot

Comme dit précédemment, trois principes entrent en compétition à cette période de l’histoire de l’armement : le chargement par la bouche, la cartouche à étui combustible, la cartouche à étui métallique.  Bien que proposé par la commission de Versailles, le chargement par la bouche est jugé dépassé, balayé par les conséquences de la batailles de Sadowa.

La cartouche à étui combustible s’est retrouvée donc en compétition avec la cartouche à étui métallique. Bien que certains observateurs de l’époque donnent leur préférence pour cette dernière dont il est dit qu’elles sont de meilleure qualité même en provenance de l’étranger. Les inconvénients de celle-ci  ont eu une plus importante tribune. Les défauts de l’époque de la cartouches métalliques sont :

  • le surplus de poids de l’étui. Le poids de l’étui ajouter à celui de l’ogive diminue le nombre de cartouches que peut emporter le soldat ;
  • la réactivité chimique entre l’étui et la poudre qui peut entraîner un début de décomposition de la poudre ;
  • l’extraction délicate ;
  • les étuis qui sont susceptibles de se fendre ;
  • nécessite l’emploi d’extracteur. Une pièce fine, donc fragile, pas aisée à remplacer par le combattant sur le champs de bataille ;
  • la cartouche ne peut être rechargée ou fabriquée par le combattant ;
  • l’outillage nécessaire à la production de masse est jugé trop couteux ;
  • les différences dimensionnelles des étuis dues à divers fabricants ;
  • le manque de puissance de la munition ;
  • la difficulté de chambrage en cas de chocs sur l’étui ;
  • le coût de fabrication de l’étui .

En 1866, aucune arme à étui métallique ne figure en compétition avec le Chassepot.

En 1873, le choix entre modernité (cartouche à étui métallique) et semi-modernité (cartouche à étui combustible) n’est pas fait. Les finances publiques, les principes militaires passés font dire à certains que la cartouche à étui papier reste l’avenir. Le choix sera tranché en 1874. C’est probablement le temps utile au perfectionnement de l’étui métallique et le temps de vaincre une certaine résistance aux changements.

La cartouche réglementaire du Chassepot

Les caractéristiques de la cartouche réglementaire sont :

  • charge de poudre : 5,25 grammes ;
  • poids de balle : 24,5 grammes ;
  • une balle de 25 mm de longueur (devrait s’approcher des 33 mm pour une plus grande précision, 3 fois le diamètre) ;
  • diamètre de l’ogive : 11 mm.

Selon la notice sur les cartouches pour armes de guerre et notamment pour fusil Chassepot (1873), les 5 qualités d’une cartouche d’arme de guerre devrait être :

  • la conservation de la cartouche ;
  • la régularité, promptitude, sécurité,  justesse de tir ;
  • la solidité de la cartouche ;
  • la facilité de fabrication ;
  • l’économie sur le prix de revient .

1 La conservation de la cartouche

On a un peu de mal à imaginer une bonne et longue conservation des munitions en papier chargées à  poudre noire. De plus, de quelle conservation parlons nous ? celles des composants avant fabrication, conservation de la munition manufacturée, conservation lors de la livraison, conservation en soute à munitions,  conservation lors des transports opérationnels, conservation dans les besaces des soldats… Chacune des manipulations citées peut être, si elle est mal effectuée, source de détériorations. Les munitions à étui combustible sont fragiles, elles doivent être à l’abri des conditions atmosphériques difficiles…pas aisé en tant de guerre. La cartouche du Chassepot n’est pas idéal en la matière.

2 La régularité

Cette qualité provient de l’homogénéité d’un lot de cartouches. Elle dépend donc de nombre de critères comme la conservation, la régularité des composants, de la fabrication…autant dire que les paramètres à maitriser sont importants surtout si une partie de la fabrication est  déléguée à des ateliers civils. A cela on doit ajouter les dépôts irréguliers laissés par les résidus de tir et de l’étui papier dans la chambre qui vont fausser la régularité.

2 La promptitude

La rapidité du tir au fusil Chassepot est un réel avantage comparé à une arme se chargeant par la bouche et ceci d’autant plus qu’il permet un rechargement accroupi ou couché. Cette rapidité n’est possible uniquement si la chambre de l’arme n’est pas trop encrassée ou si l’ogive ne s’est pas désolidarisée de l’étui dans la besace du soldat…entre autres.

2a La sécurité

C’est un peu naturellement que la cartouche du Chassepot n’offre pas toute les garanties de sécurité. La raison a déjà été évoquée au dessus : il ne peut y avoir de sécurité au tir d’une munition sans étui si le mécanisme à chargement par la culasse n’est pas étanche.

2b La justesse du tir

Quelques critères de la justesse du tir sont le centrage de la balle sur l’axe du canon, la régularité de la vitesse de la balle, l’usure et la propreté du canon, la régularité du poids et du diamètre de l’ogive…

Faire coïncider l’axe de la balle et l’axe du canon alors que la chambre est soumise à encrassement peut sembler compliqué. De même dans le cas d’une chambre exempte de résidus, il existe toujours un jeu entre le cône de raccordement et l’ogive provoquant un désalignement. Ce jeux peut être diminué (mais pas supprimé) en utilisant plusieurs épaisseurs de papier autour de l’ogive, il en résultera toujours un tassement donc une irrégularité.

Selon l’état de la bague en caoutchouc de la culasse, il peut exister des pertes de gaz qui modifient la pression interne et donc la vitesse de l’ogive. Cela va avoir une influence sur la tension du projectile et donc sur la justesse du tir. Les résidus de tir présents dans les rayures du canon auront le même impacte.

3 La solidité de la cartouche

La solidité de la cartouche du Chassepot est très insuffisante pour une cartouche de guerre. Il est estimé que 20 pourcent des munitions ont été détériorées lors du conflit de 1870-1871, parfois détruites dans la sacoche des militaires lors des déplacements. On trouve des traces d’histoires de soldats fuyant l’ennemi par manque de cartouches, par faute d’approvisionnement qui ne viennent pas … même avec le chemin de fer.

4 La facilité de fabrication

En adoptant la cartouche à étui papier, les décideurs aimeraient laisser au soldat la possibilité de réaliser lui même ses cartouches. Dans le cas de la prise d’un convoi, campement ennemi, il est alors possible aux combattants de se servir des stocks de poudre et amorces laissées par l’adversaire.

Néanmoins les munitions se complexifient, il n’est plus aussi aisé de les faire fabriquer par les soldats dans une guerre davantage en mouvement. On compte sur l’emploi du chemin de fer pour acheminer les approvisionnements. C’est le début du “soutien opérationnel industriel”. Il est  aisé en revanche de mettre en place des ateliers de fabrication avec des ouvriers formés et un outillage simple. Il semblerait que des munitions de mauvaise qualité aient été livrées par des ateliers civils lors du conflit de 1870-1871. Un ouvrier fabrique 85 cartouches par tranche de dix heures.

Suite à la modification des usages militaires et l’allongement de la portée des armes la consommation en munition explose. C’est probablement une des raisons des défauts d’approvisionnement.

5 L’économie

En 1873, une lois militaire programme 1 200 000 hommes sous les drapeaux. A raison de 100 cartouches par personnel et par an, un besoin annuel de 120 000 000 cartouches sont nécessaires sous peine d’une instruction insuffisante.  On imagine sans effort que chaque composant doit être optimisé afin de réduire le coût au maximum et ainsi réduire la facture. Au vu du besoin annuel de cartouches, la plus petite économie répercutée sur chaque munition représente très rapidement des sommes importantes. La cartouche à étui papier reste plus économique que la cartouche à étui métallique.

Peut on dire pour autant que 100 cartouches à l’année suffisent pour éduquer et entretenir les connaissances d’un tireur, d’un soldat ? On voit alors l’intérêt d’inciter les initiatives privées comme la constitution de  stands de tir civils,  de sociétés de chasse, d’éduquer les enfants au tir à l’école, de proposer des armes proches d’armes réglementaires aux civils afin qu’ils s’entraînent tout au long de l’année sans pour autant impacter les ressources de l’état. On retrouve dans les anciens catalogues des manufactures les traces de ces initiatives.

Bon nombre des critères ci-dessus ne sont pas atteints, pourtant, la cartouche papier sera acceptée.

La cartouche Callebaut

“Le fusil Chassepot est reconnu excellent sauf la cartouche, que tous les pays d’Europe cherchent à améliorer.” (discours du président de la république 8 juin 1872)

Dans une volonté de doter le fusil Chassepot d’une munition plus adéquate. La maison Callebaut (paris) propose une cartouche à corps en bois. Cette nouvelle cartouche sans étui métallique est dite à étui chassé.

Cette version de cartouche à étui consommable apporte un tir plus rapide de 150 cartouches pour seulement 101 cartouches tirées avec les munitions réglementaires. Un seul raté sur 1089 cartouches tirées. 207 cartouches tirées sans incident lié au système d’étanchéité en caoutchouc contre 85 dans le fusil réglementaire grâce à l’emploi d’une membrane en caoutchouc fermant le tube de la cartouche et qui sous la pression de la veine gazeuse prends un diamètre plus important (diminuant les sollicitations sur le caoutchouc obturateur).

Lors du tir, le tube en bois de 13,5 mm de diamètre est forcé dans le cône de raccordement, ce qui le brise et les morceaux de bois en sortant du canon nettoie ce dernier. Aucunes parcelles de bois ne restent dans la chambre.

Le corps en bois de la cartouche est plus résistant que celui de la cartouche réglementaire. Selon le fabricant, celui-ci peut être à demi-écrasé, la munition fonctionne toujours. Si Elle fonctionne toujours… elle doit être difficile à chambrer !!

200 cartouches peuvent être fabriquées en dix heures, soit 2,35 fois plus que pour la munitions réglementaires. Le temps n’est pas le seul à être économisé, les munitions ratées le sont aussi.

Cette cartouche ne semble pas avoir été adoptée par les armées. L’année suivante, le fusil Gras mettra fin à la cartouche à étui papier, l’ère de l’étui métallique est arrivée.

Je n’ai pas trouvé de représentation de cette munition.

Conclusion

On peut voir à travers ces deux articles la différence entre la retranscription du livre et la réalité de la guerre, finalement… entre la théorie et la pratique.

Pressée par les victoires Allemandes, dont celle du 03 juillet 1866 à Sadowa, la France décide à la hâte d’équiper son armée. Elle choisie une arme moderne pour l’époque : le fusil mle 1866 Chassepot. Elle en profite pour créer de nouvelles manufactures. Le choix fait par la France est audacieux. Les ingénieurs modernes n’ont pas clairement résolu et donc pas ou peu commercialisé ce type d’arme. En effet, l’utilisation des étuis combustibles est amenée à se heurter à des problématiques difficiles à résoudre aujourd’hui encore. Notamment l’encrassement de la chambre et l’étanchéité. C’est ambitieux en 1865-1866 que de vouloir remplacer une arme réglementaire à piston par une arme additionnant plusieurs avancées techniques avec l’espoir de résoudre des problèmes majeurs (emploi d’un mécanisme à chargement par la culasse étanche, réduction du calibre, encrassement du à la poudre noire, encrassement du aux résidus de papier brulé, évolution de la doctrine d’emploi des armes longues, adoption d’une nouvelle munition, fabrication en série de la nouvelle munition, utilisation d’une matière peu courante alors en armurerie : le caoutchouc, etc…) tout ça fabriqué par une nouvelle manufacture.

La manufacture d’arme de St Étienne fournira les armes commandées peu de temps avant l’entrée en guerre, mais qu’en est il de l’instruction des soldats, officiers, services de santé, les approvisionnements divers…

L’Allemagne a pris les devants en dotant son armée de fusils à chargement par la culasse bien avant les autres nations (1841, 25 ans avant la France). Cette avance a surement eu des déboires mais en s’équipant des décennies avant les autres, ils ont eu le temps de palier aux divers évènements techniques et de former leurs soldats, armuriers, officiers pour les rendre plus aptes au service de cette arme.

Suite à la dépêche d’Ems et malgré les avertissements d’Adolphe Thier, la France déclara la guerre à l’Allemagne. La guerre dura du 19 juillet 1870 au 29 janvier 1871 soit un peu plus de six mois. Le résultat du manque de préparation sera la perte de l’Alsace-Lorraine. Territoire qui restera allemand jusqu’à la fin de la première mondiale soit 47 ans.

Des problèmes fondamentaux touchant directement aux brevets de Mr Chassepot auraient mérité d’être expérimentés plus tôt ce qui aurait permis aux divers échelons de maintenance et d’approvisionnement civils et militaires de régler certains défauts avant le conflit. Ou alors, ne pas déclarer la guerre à l’Allemagne le temps de régler les anomalies. Les fusils Chassepot seront transformés à partir de 1874 pour le tir de la cartouche métallique. Il portera le nom de 1866/74 Gras.

En 1873, l’Amérique, l’Angleterre, la Belgique ont adopté des armes à cartouche métallique. La France résiste, la cause en est peut être l’absence, la limitation des industries privée qui amènent, dans l’espoir d’un contrat gouvernemental important, une innovation, une compétition plus abondante. La France a préféré l’inverse : le monopole des manufactures nationales dont l’insuffisance peu survenir, l’histoire l’a démontré pendant la guerre de 1870-1871 et de nombreuses années après. A lire :

L’importance des armuriers régimentaires et des entreprises privées pour faire évoluer le monde de l’armement, modifier rapidement des armes de dotation n’est plus à démontrer. Une nation se doit d’entretenir des connaissances et des talents. A ce jour, la situation de l’industrie de l’armement en France est telle que l’industrie privée se meure, la manufacture d’arme de St Étienne est fermée, le prochain fusil d’assaut de l’armée française sera allemand…

Sources utiles à la rédaction de cet article :

Vous pouvez  télécharger ces trois documents sur la page téléchargement du site :

  • De l’armement de l’Europe et des Etats-unis : influence du fusil à tir rapide sur la tactique et l’instruction du soldat – 1870 – (bnf-Gallica) ;
  • Le fusil de petit calibre et le traitement des blessures par armes à feu en campagne – 1892 – (bnf-Gallica) ;
  • Notice sur les cartouches pour armes de guerre et notamment sur la cartouche pour fusil Chassepot – 1866 – (bnf-Gallica) .
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Le fusil mle 1866 Chassepot 1/2

Alors qu’avec les temps modernes les guerres sont de plus en plus dévastatrices en vie humaines, il est particulièrement intéressant de se replonger dans les écrits anciens afin de voir comment les choses se déroulaient  à une période donnée et ainsi constater l’évolution des usages militaires ou industriels…entre autres. Pour le premier article de cette série sur le fusil Chassepot, nous allons nous immerger aux environs de l’année 1869 et étudierons la partition d’un livre de cette époque. Un second article, à paraitre ultérieurement, nous donnera des éléments chiffrés concernant le fusil Chassepot mle 1866. Nous verrons dans la conclusion de ces articles, si l’on peut tirer des leçons des éléments mis en relation.

Le fusil Chassepot 1866

Gravure du mécanisme du fusil Chassepot, culasse ouverte.

Gravure du mécanisme du fusil Chassepot, culasse ouverte.

On utilisera pour présenter cette arme, la partition d’un livre dans lequel j’ai pris soin de mettre en caractère gras les passages qui m’apparaissent significatifs. Ce livre se nomme : Les merveilles de la science : ou description populaire des inventions modernes de Louis Figier (volume 3 – 1869).

Page de garde du livre les merveilles de la science.

Page de garde du livre les merveilles de la science.

Retranscription du livre :

“Le fusil Chassepot – ses effets – transformation de nos anciens fusils à tabatière”

La campagne de bohême et les victoires de la Prusse sur le champ de bataille de Sadova, en 1866, montrèrent, avec une foudroyante évidence, les mérites du fusil prussien. A la suite de ces évènements, et en présence de ces résultats, les nations de l’Europe qui avaient laissé passer, sans trop d’attention, le fusil à aiguille, ont dû revenir de leur indifférence, et adopter l’arme nouvelles. En France, comme ailleurs, on s’est empressé de remplacer les anciens fusils à piston par le fusil à aiguille. Seulement, le fusil prussien était passible de divers reproches. Une commission formée au ministère de la guerre, étudia, en 1866, les modifications qui pourraient être apportées à ce système et, de ses études, vint l’adoption d’un modèle irréprochable de fusil à aiguille, proposé par Mr Chassepot.

Portait de l'inventeur du fusil Chassepot.

Portait de l’inventeur du fusil Chassepot.

C’est ce fusil, désigné officiellement sous la rubrique d’arme 1866, que nous allons décrire. Les détails qui précèdent, et qui renferment l’exposé des principes de la construction du fusil prussien, nous permettrons de beaucoup abréger la description de la nouvelle arme française.

Mécanisme du fusi Chassepot, culasse ouverte.

Mécanisme du fusil Chassepot, culasse ouverte.

Les pièces qui composent le fusil Chassepot sont plus simples et moins délicates que celles du fusil prussien. Le chien est de dimensions suffisantes. Il offre une grande prise, par la suite de la rugosité de la surface qui le termine. De plus, afin que dans l’armement du chien, cette pièce ne vienne pas à être forcée par la pression exercée, on l’a munie d’une roulette, pour faciliter le glissement. En tirant le chien, auquel tient une partie de la gaîne, contenant le ressort de l’aiguille, le fusil est armé.

Pour ouvrir la chambre, on tire la culasse, au moyen de la poignée ; on place la cartouche, dans la cavité qui doit la recevoir, devant un disque d’acier d’un rayon moindre que celui de la chambre. Au dessous de ce disque se trouve un petit cylindre en caoutchouc, remplissant exactement le diamètre de la chambre. Ce cylindre est plus galvanisé sur les bords qu’au milieu, de telle sorte que, sous l’influence de la pression des gaz, la parti centrale du caoutchouc cède et empêche la sortie des vapeurs par les jointures de la culasse mobile avec le canon. Le recul est médiocre.

Pour fermer l’arme, on repousse la poignée à sa première place, puis on la rabat sur le côté. Le premier de ces mouvements enfonce la cartouche dans le canon ; le second immobilise la culasse en plaçant une partie saillante de la poignée, dans une encoche. En tirant la gâchette, la détente débande le ressort de l’aiguille qui frappe la capsule fulminante, et le chien est ramené, après le coup de feu, à sa première position.

Vue en coupe d'une cartouche pour fusil Chassepot mle 1866.

Vue en coupe d’une cartouche pour fusil Chassepot mle 1866.

La cartouches est en papier mince, et consolidée par une enveloppe de gaze de soie ; elle présente ainsi les deux qualités essentielles de toute bonne cartouche, à savoir légèreté et solidité. Un avantage inappréciable, c’est qu’elle est complètement brulée par la combustion de la poudre. La capsule est fixée à la base inférieure de la cartouche, l’ouverture tournée en face de l’aiguille. Elle diffère en cela de la cartouche du fusil prussien, dans lequel l’aiguille doit traverser toute la poudre, pour aller frapper la capsule fulminante. Nous avons expliqué assez longuement les avantages que l’on trouve à produire ainsi l’inflammation par le haut de la cartouche et non par le bas, comme dans le cas ordinaire. Mais cette disposition exigeait que l’on employât une aiguille deux fois plus longue et par conséquent plus fragile. C’est ce qui a décidé, en France, à renoncer à placer la capsule au haut de la cartouche. Les avantages théoriques que nous avons énumérés plus haut concernant ce mode d’inflammation, ne pouvant, à ce qu’il parait, contre-balancer l’inconvénient de la trop grande longueur de l’aiguille. Quand l’aiguille vient choquer le fulminate, la flamme se communique à la poudre par deux petits trous percés dans le fond de l’alvéole.

La cartouche française est coûteuse, et sa fabrication demande de minutieuse précautions ; mais elle fonctionne admirablement.

Gravure du mécanisme du fusil Chassepot mle 1866 vue de gauche, culasse fermée.

Gravure du mécanisme du fusil Chassepot mle 1866 vue de gauche, culasse fermée.

Après ces explications préalables, on comprendra mieux les deux figures qui représentent le mécanisme du fusil Chassepot, avec les légendes qui expliquent l’usage de ses différents organes. La figure 373 représente le fusil ouvert pour le chargement ; la figure 375 représente l’arme du moment où l’aiguille frappe la capsule fulminante.

Le fusil Chassepot est bien supérieur au fusil Dreyse, il ne présente pas la complication de l’arme prussienne ; ces mouvements sont moins nombreux ; le chargement est rapide et facile. L’aiguille étant retirée dans sa gaîne pendant le chargement, et ne pouvant en sortir qu’au moment du tir, toute explosion de la cartouche , durant la charge, est rendue impossible. Plus de perte de gaz ni d’encrassement, ce qui ne contribuait pas peu à diminuer la vitesse du tir.

Le fusil Chassepot est plus court que notre ancien fusil de munition ; il ne pèse que 3 kilogrammes, et porte un sabre-baïonnette plus léger que l’ancien. La forme en est élégante et satisfait l’amour propre de nos soldats. Le canon, dont le calibre est de 11 mm, porte 4 rayures hélicoïdales. Grâce à l’absence de toute déperdition de gaz, ces rayures conservent tout leur effet, et font de l’arme une véritable carabine.

M le maréchal Niel a adressé à l’empereur un rapport plein d’intérêt sur les résultats des essais de tir avec le nouveau fusil. D’après ce rapport, le fusil Chassepot peut tirer, sans viser, 14 coups par minutes, et en visant, 10 coups par minute. Il porte à 1000 mètres, plus sûrement que l’ancien fusil ne portait à 400 mètres. A cette énorme distance, un soldat quelques peu expérimenté met 24 balles sur 100 dans une cible. Une armée de 20 000 hommes, munie de cette machine destructrice, pourrait tirer, par minute, 280 000 coups et coucher par terre 56 000 ennemis, si le tir du champ de bataille était aussi précis que le tir à la cible.

Avec cette arme prodigieuse, la victoire et la défaite pourront être décidées en quelques minutes. Une vingtaine de feux de file termineront une bataille. On s’attaquera à un quart de lieue de distance, sans presque se voir. Avant qu’on ait pu s’approcher, les nouveaux fusils auront fait leur œuvre d’extermination : l’ennemi, épouvanté et décimé, sera mis en fuite. Ainsi, le canon lui même est dépassé, et les soldats, on peut le dire, ont la foudre en main.

Le rapport du maréchal Niel sur lequel s’appuient ces étonnantes conclusions, a une grande importance dans la question qui nous occupe. Nous croyons devoir, en conséquence, mettre la plus grande partie de ce document sous les yeux de nos lecteurs. Dans ce genre de questions, les chiffres, les résultats précis, forment seuls l’opinion ; c’est donc sur les chiffres qu’il faut insister.

Le rapport du maréchal Niel à l’empereur a pour but de résumer l’ensemble des résultats obtenus depuis que la transformation de notre armement est devenue un fait accompli. Après quelques mots d’introduction, l’auteur du rapport s’exprime en ces termes :

“Commencée au mois de septembre 1866, mais à titre d’essais , par le bataillon de chasseurs à pied de la garde impériale qui avait été désigné pour procéder aux premières expériences, la remise du nouveau fusil dans les corps de la garde ne date réellement que de la fin du mois de mars 1867.”

Successivement étendue aux divers corps d’infanterie de la ligne, au fur et à mesure de l’avancement de la fabrication, cette opération considérable s’est terminée au mois d’avril 1868, c’est à dire dans un laps de temps qui n’excède pas une année. Quelques récente que soit encore, surtout pour beaucoup de corps d’infanterie de la ligne , l’époque de la mise en service du nouveau fusil, les épreuves déjà faites permettent cependant d’asseoir, dés à présent, l’opinion sur sa valeur réelle comme arme de guerre.”

Sa portée réglementaire efficace est de 1000 mètres et peut facilement atteindre à 1100 mètres. Le projectile, animé d’une vitesse initiale de 410 mètres à la seconde, parcourt une trajectoire assez tendue pour qu’à la distance de 230 mètres elle ne s’élève pas à plus de 0,5 mètre au dessus de la ligne de mire, cette tension qui constitue l’une des conditions les plus favorables à l’efficacité du tir.”

Par suite de la simplicité et de la promptitude du chargement que l’homme peut exécuter avec la même facilité dans toutes les positions, à genou, assis, couché, aussi bien que debout, les soldats arrivent à tirer 7, 8 et même 10 coups par minute en visant , et jusqu’à 14 coups sans viser.”

“Il n’est pas inutile de rappeler ici que pour l’ancien fusil d’infanterie le maximum de portée efficace n’a jamais dépassé 600 mètres avec une vitesse initiale de 234 mètres à la seconde seulement ; et c’est à peine si dans les conditions normales d’un tir régulier le soldat bien exercé pouvait tirer plus de deux coups par minute, avec une arme dont le chargement par la bouche, ne pouvant s’exécuter que dans la position debout, le contraignant en outre à se découvrir en toute circonstances.”

“Ainsi : augmentation considérable, presque double de l’ancienne, dans la portée du tir, accroissement du tiers dans la vitesse du projectile, tension beaucoup plus grande de la trajectoire ; telles sont , jointes à une rapidité de tir inconnue jusqu’alors, les qualités essentielles que révèle tout d’abord la pratique du fusil 1866.”

“Au point de vue de la précision, ses avantages ne sont pas moins satisfaisants. J’ai fait faire avec soin le relevé des séances consacrées au tir à la cible dans les différents corps depuis qu’ils sont en possession du nouveau fusil.”

L’armement n’ayant pu être distribué à la même époque dans tous les corps de l’armée, cette partie de l’instruction, dont le degré d’avancement est nécessairement proportionnel au temps écoulé depuis la mise en service de l’arme, n’est en quelques sorte que commencée pour un assez grand nombre de corps d’infanterie de la ligne. Et cependant, dès les débuts, les premiers résultats signalés se montrent déjà très-sensiblement supérieurs à ceux obtenus avec l’ancien fusil rayé que les hommes connaissaient bien et qu’ils avaient appris à pratiquer de longue main. Quand aux résultats obtenus par les régiments de la garde, et surtout par le bataillon de chasseur à pied, celui de tous les corps qui, par la priorité de l’armement, a eu le plus de temps à employer à ces exercices, ils témoignent par leurs progrès rapides de la facilité avec laquelle les hommes se familiarisent avec leur arme tout autant que de sa grande précision. Le tableau ci-après, indiquant le nombre moyen des balles, sur 100, mises dans la cible aux différentes distances, d’abord avec l’ancien fusil, puis avec le nouveau, pour chacune des catégories de troupe correspondant aux époques successives de l’armement, présente, sous ce rapport, des comparaisons du plus haut intérêt, dont je demande à votre majesté la permission le détail sous ses yeux.”

Tableau récapitulatif des tirs d'essais au fusil Chassepot mle 1866

Tableau récapitulatif des tirs d’essais au fusil Chassepot mle 1866

Dés aujourd’hui, si l’on prend la moyenne générale obtenue avec le fusil modèle 1866, il est facile d’apprécier combien cette arme l’emporte en précision sur l’ancien fusil rayé, aux distances ordinaires de 200, de 400 et de 600 mètres.”

“Aux grandes distances, à 1000 mètres, les résultats utiles dépassent la moyenne de l’effet produit par ce dernier à 400 mètres, et atteignent au double de ceux obtenus auparavant à 600 mètres, limite extrême de la portée efficace du tir d’alors.”

“Ces résultats eux même ne sont pas encore l’expression définitive de la valeur du tir nouveau. Lorsque les corps armés depuis peu auront eu le temps de compléter leurs exercices, il est hors de doute que la moyenne de tir des corps d’infanterie de la ligne s’élèvera promptement, comme pour ceux de la garde, dans de fortes proportions. Plusieurs inconvénients provenant de diverses causes, inhérentes pour la plupart à des défauts de détail dans la fabrication, et auxquels il a été promptement apporté remède, se sont manifestés pendant les essais et au commencement de la mise en service dans les corps.”

“Ces inconvénients, très exagérés à leur origine, et dans tous les cas, rendus plus sensibles par le manque d’habitude chez nos soldats, dans le maniement d’une arme toute nouvelle pour eux, consistent en des bris d’aiguilles et de têtes mobiles, des crachements, des fentes de bois, des ratés de cartouches à balles et surtout à blanc.”

“Aucun de ces accidents ne présente aujourd’hui de caractère sérieux de gravité. En se familiarisant avec leur fusil, les hommes apprennent facilement, et en très peu de temps, à éviter d’eux mêmes des inconvénients qui ne se reproduisent plus guère que dans les corps nouvellement armés.”

Les bris d’aiguilles et de têtes mobiles, assez nombreux pendant la période d’essais, provenaient d’une trempe défectueuse et d’un recuit insuffisant. Il y a été remédié en modifiant la fabrication en conséquence, et la moyenne des aiguilles remplacées dans les corps est maintenant très faible ; elle est inférieure à celle des bris de cheminées dans les anciens fusils à percussion, et encore bon nombre de ces accidents doivent ils être attribués bien plus à la maladresse de quelques hommes qu’à une défectuosité dans le mécanisme de l’arme.”

“Le remplacement d’une aiguille brisée au feu est, du reste, une opération extrêmement simple, à laquelle les soldats sont exercés et qu’ils effectuent, sur place, avec la plus grande rapidité.”

“Les crachements, ayant pour cause un défaut de fabrication de l’arme, sont extrêmement rares ; on y remédie en changeant la boite de culasse ou le cylindre de la culasse mobile. Le même accident peut être occasionné par des rondelles défectueuses ; rien n’est plus simple que de changer ces rondelles.”

“Enfin, sous l’influence de l’abaissement de la température, des fuites de gaz ont été quelquefois observées, mais seulement par des froids assez considérables qui ôtent à l’obturateur son efficacité. L’expérience à démontré que, dans ce cas, les crachements disparaissent presque toujours  après le premier coup tiré, l’obturateur reprenant sa forme normale sous l’action de la chaleur développée par l’inflammation de la charge. Ces crachements, d’ailleurs, susceptibles peut être de gêner le tireur, ne paraissent pas de nature à le blesser.”

“Quelques bois se sont fendus par suite d’une mise en bois défectueuse ; ce défaut est évité actuellement en manufacture. Au moyen d’une légère réparation, les bois fendus ne cessent pas d’être susceptibles d’un bon service dans les corps.”

“Les premières cartouches dont on s’est servi étaient de dimensions un peu faibles ; sous le choc de l’aiguille elles glissaient en avant ; de là des ratés dont le chiffre a paru tout d’abord assez élevé. Ces effets étaient surtout sensibles avec les cartouches à blanc qui ne se trouvaient point arrêtés par le projectile comme cartouche à balle. On y a remédié en allongeant un peu les cartouches à balles et sans balles, et en augmentant faiblement le diamètre de la cartouche sans balle.”

“Les ressorts à boudins trop faibles produisent aussi des ratés que l’on évite en employant des ressorts plus forts. On en exécute le changement avec la plus grande facilité.”

“Malgré quelques imperfections de détails, inévitables dans les débuts de tout système nouveau, l’ensemble de notre armement est excellent. Tous les corps l’ont accueilli avec le plus vif sentiment de satisfaction.”

“Le nouveau fusil, plus léger que l’ancien, gracieux de forme, plait au soldat ; plein de confiance en son arme, il l’aime, l’entoure de soins tout particuliers, marque de prédilection bien frappante qui prouve une fois de plus combien, avec leur intelligente perspicacité, nos soldats saisissent spontanément et apprécient ce qui est réellement bon et utile.”

“Le fusil modèle 1866 est d’un maniement aisé ; son mécanisme est simple et commode, son entretien facile. Il n’exige qu’une instruction très courte pour devenir familier aux hommes, qui le montent et le démontent sans difficulté, et apprennent promptement à remplacer les pièces mobiles dont ils sont munis, telles que les rondelles, l’aiguille, la tête mobile et le ressort à boudin. En très peu de temps le soldat le moins adroit peut être initié à la manœuvre de tout le système.”

“Les expériences faîtes avec le plus grand soin, l’année dernière, au camp de Châlons, puis en Italie par les troupes du corps expéditionnaire, dans les circonstances climatériques les plus divers et souvent les moins favorables, ont fourni la preuve que, sous une apparence un peu délicate, le nouveau fusil remplissait les meilleurs conditions pour satisfaire à toutes les nécessités du service de campagne.”

“Etudié à tous les points de vue, le fusil dont l’infanterie française vient d’être dotée réunit au plus haut degré, à une précision et une rapidité de tir incomparables, des qualités qui doivent lui assurer le premier rang parmi les armes de guerre aujourd’hui en usage. “

Fin de citation du rapport du maréchal Niel.

Tout en poussant avec une grande activité la fabrication des fusils Chassepot, le gouvernement français songeait à utiliser les anciens fusils de munition qui remplissaient nos arsenaux. La transformation de ces anciens fusils en fusil Chassepot étant impossible à réaliser, à cause de la dépense excessive qu’elle aurait exigée, on chercha, parmi les différents systèmes connus d’armes se chargeant par la culasse, celui qui prêterait le plus économiquement à une transformation en fusil se chargeant par la culasse. Le choix s’est fixé sur une combinaison de deux systèmes d’origine anglaise, les fusils Enfield et Snider.”

Fin de retranscription.

Cet article demande des développements et approfondissements, ils seront faits dans un prochain article.

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Comparatif : le calibre 8 mm 1892 / 7,65 Browning

Le présent article est une continuité logique de l’article précédent concernant le revolver réglementaire Français mle 1892. Vous pourrez trouver le premier article ici : Revolver MAS mle 1892, réalisation armurière et évolution du contexte.

Cet article tire sa source d’une rumeur (pas entièrement fausse)  qui consiste à dire que la munitions de calibre 8 mm utilisée par le revolver mle 1892 est trop faible. Le déclassement de cette arme serait dû au calibre employé. Un autre élément déclenchant la rédaction de cet article est la découverte d’un comparatif entre les munitions d’arme de poing utilisées par la France pendant la grande guerre (Le document est reproduit ci- dessous).

Il sera détaillé dans cet article des données balistiques concernant les calibres 8 mm 1892 (8 mm Lebel) et 7,65 Browning (32 acp). Je tirerai du rapprochement de ces données mes conclusions sur le déclassement du revolver MAS mle 1892.

La cartouche française de 8 mm 1892

Pour m’aider dans ma réflexion, je vais me servir d’un tableau provenant d’un catalogue Fiocchi qui est très intéressant à plus d’un titre. Le voici :

Selon moi, ce tableau est très utile car il donne pour un même encartoucheur moderne des éléments balistiques de plusieurs calibres d’époque. Il est donc très facile de comparer et de débattre autour des choix faits par les divers état-majors et gouvernements d’alors. Tout en ayant en tête que nous ne parlons pas de munition d’époque mais de reproduction respectant tout ou partie des caractéristiques d’origines.

Les données fournies par le fabricant Italien Fiocchi (voir le tableau ci dessus) indique que pour un poids de balle de 7,2 grammes, soit 111 grains, et une vitesse à la bouche de 260 m/s. L’énergie de l’ogive à la bouche est de  245 joules.

En comparant l’énergie à la bouche de plusieurs calibres réglementaires, on s’aperçoit que le 8 mm 1892 est une des plus faible de l’époque.  La raison est due à la vitesse du projectile qui est faible. La 8 mm Steyr a une énergie bien supérieure avec un poids de balle très proche : 7,3 grammes, soit 113 grains, et une vitesse à la bouche de 330 m/s. L’énergie de l’ogive à la bouche est de 395 joules. La pression maximale moyenne d’une cartouche en 8 mm Steyr est : 2300 bar (CIP). La pression moyenne d’épreuve d’une cartouche en 8 mm Steyr est : 2990 bar (CIP). Ces mêmes données pour la 8 mm 1892 sont : 1200 et 1560.

Un des sommets est atteint par la cartouche de 7,63 Mauser, qui, en propulsant une ogive de 88 grains à 440 m/s à une énergie de 550 joules (très proche de la cartouche de 9 x 19 : environ 600 joules). La pression maximale moyenne d’une cartouche en 7,63 Mauser est : 2600 bar (CIP). La pression moyenne d’épreuve d’une cartouche en 7,63 Mauser est : 3380 bar (CIP).

Dans leur livre consacré aux pistolets Star et Ruby, les auteurs produisent une table balistique des munitions Françaises de la grande guerre et comparent ainsi le 8 mm 1892 et le 7,65 mm Browning. L’énergie des ogives est identique et est exprimée en kgm : 19 kgm, soit : 186 joules. Encore moins que le chiffre annoncé par Fiocchi dans son catalogue.

L’énergie est la même pour une 7,65 Browning et pour une 8 mm 1892. Comment peut on dire que la faiblesse de la munition 8 mm 1892 a déclassé le revolver 1892 alors que sa remplaçante transmet la même énergie. Est ce vraiment le calibre seul qui a participé au déclassement de l’arme ?

Les caractéristiques de la 8 mm 1892 :

  • Diamètre maxi de la balle (CIP) : 8,28 mm ;
  • Diamètre dans le creux des rayures (CIP) : 8,30 mm ;
  • Diamètre sur le haut des rayures (CIP) : 8 mm ;
  • Pas des rayures (CIP) : 240 mm ;
  • Longueur maxi de l’étui (CIP) : 27,4 mm ;
  • Longueur de la cartouche (CIP) : 37 mm ;
  • Masse de la balle (Fiocchi) : 7,2 g ;
  • Masse de la balle (Livre : Star et Ruby) : 7,85 g ;
  • Vitesse initiale (Fiocchi): 260 m/s ;
  • Vitesse initiale (Livre : Star et Ruby): 220 m/s ;
  • Énergie initiale (Fiocchi): 245 Joules environ ;
  • Énergie initiale (Livre : Star et Ruby): 186 Joules environ ;
  • Pression max moyenne (CIP) : 1200 bar ;
  • Pression d’épreuve (CIP) : 1560 bar.

La cartouche de 8 mm mle 1892 est une munition à bourrelet donc utilisable essentiellement en revolver.

C’est huit ans après l’adoption du revolver MAS mle 1892 et de sa cartouche de 8 mm qu’apparaissait sur le marché le pistolet Browning 1900 et sa cartouche de 7,65 Browning. Il va découler de cette nouveauté toute une série de pistolets de conception simple et au pouvoir d’arrêt similaire.

La cartouche de 7,65 browning / 32 acp

Introduite en 1899 par la FN pour être utilisée dans son pistolet automatique mle 1900, la cartouche de 7,65 Browning va bousculer le marché de l’arme de poing. Cette cartouche de faible pression va permettre la fabrication de pistolet automatique fiable et simple car sans système de verrouillage. L’absence de ce type de dispositif diminue de façon importante le nombre de pièce et la complexité de celles-ci. Les méfaits des anarchistes de cette période ont contribué, de part leur médiatisation, à la propagation de ces armes de poing d’un nouveau genre. L’engouement est rapide, c’est un succès populaire.

Pour étudier cette cartouche, je m’aiderais d’une autre page du même catalogue Fiocchi. La voici :

On retrouvera plusieurs références de cartouche de calibre 7,65 Browning sur cette page de catalogue. Selon le type d’ogive et la vitesse de celle ci l’énergie indiquée est de 175 à 280  joules. Cette dernière valeur est obtenue par l’emploi d’une ogive pointe creuse à grande vitesse.

Le tableau cité ci-dessus du livre Star et ruby donne les éléments suivants : poids de balle : 4,85 grammes, vitesse de la balle : 270 m/s, énergie du projectile : 186 joules.

  • Diamètre maxi de la balle (CIP) : 7,85 mm ;
  • Diamètre dans le creux des rayures (CIP) : 7,83 mm ;
  • Diamètre sur le haut des rayures (CIP) : 7,63 mm ;
  • Pas des rayures (CIP) : 250 mm ;
  • Longueur maxi de l’étui (CIP) : 17,2 mm ;
  • Longueur de la cartouche (CIP) : 25 mm ;
  • Masse de la balle (livre : Star et Ruby) : 4,65 grammes ;
  • Vitesse initiale (Livre : Star et Ruby) : 270 m/s ;
  • Énergie initiale (Livre : Star et Ruby) : 186 Joules ;
  • Pression max moyenne (CIP) : 1800 bar ;
  • Pression d’épreuve (CIP) : 2340 bar.

L’étui de calibre 7,65 mm Browning est doté d’un très léger bourrelet. C’est grâce à ce bourrelet que la munition sera employée parfois en revolver.

Puisque l’énergie du projectile est la même, tentons de trouver d’autres pistes de réflexion relatives au déclassement du revolver MAS mle 1892. Vous pourrez voir ci-dessous quelques concurrents directes du revolver d’ordonnance MAS mle 1892.

Le Browning 1900 :

Très grand succès commercial qui s’est vendu à  plus de 700 000 exemplaires entre 1900 et 1912 soit environ 70 000 exemplaires fabriqués par an …rien que cela. On voit à travers les volumes fabriqués que cette arme répond à une attente du public et des administrations. Le pistolet devient simple, compacte, fiable… il se démocratise. La qualité de fabrication est aussi responsable de ce succès. L’opportunité m’a été donnée dans le passé d’avoir en main un Browning 1900, c’est une arme bien conçue, bien réalisée et très compacte. C’est une évidence, il ne pouvait que rendre obsolète le revolver. Cependant, il oblige l’utilisateur à conserver une munition en chambre et un percuteur armé.

  • masse de l’arme non chargée : 625 g ;
  • Longueur totale : 163 mm ;
  • Longueur du canon : 102 mm ;
  • Capacité de l’arme : 7 cartouches.

Le Browning 1910 :

Le browning 1910 est le successeur du browning 1900. C’est une arme plus simple que son ainé. D’une conception sans reproche, il traversera les décennies sans avoir de modifications importantes. Un dispositif très important sur cette arme est la pédale de sureté présente sur le dos de la poignée pistolet. Il sera fabriqué entre 1912 et 1975 à plus de 704 000 exemplaires.

  • Masse de l’arme en 7,65 mm : environ 590 g ;
  • Longueur totale : 153 cm ;
  • Longueur du canon : 88 mm ;
  • Capacité de l’arme en 7,65 mm : 7 cartouches.

Le FN/COLT 1903 :

Fabriqué entre 1903 et 1945 à plus de 572 000 exemplaires pour le Colt 1903 et 153 000 pour le FN 1903. Il servira aux industriels espagnol (entre autres) qui le simplifieront, il en résultera le pistolet Ruby.

  • Masse de l’arme en 7,65 mm : environ 590 g ;
  • Longueur totale : 153 cm ;
  • Longueur du canon : 88 mm ;
  • Capacité de l’arme en 7,65 mm : 7 cartouches.

Les pistolets Star et Ruby :

Ces armes seront au coté du revolver MAS mle 1892 dans les tranchées de 1914 à 1918. Ils sont une simplification des armes de grands fournisseurs citées ci-dessus.

La France s’équipe de ces matériels pour compléter les dotations sans avoir à surcharger l’emploi des manufactures nationales. Le nombre des pistolets Ruby vendus à la France est de 900 000. Le nombre des pistolets Star vendus à la France est de 24 000.

Pistolet Ruby

Pistolet Ruby

  • Masse de l’arme (pistolet Ruby) : environ 875 grammes ;
  • Longueur totale (pistolet Ruby) : 157 mm ;
  • Longueur du canon (pistolet Ruby) : 87 mm ;
  • Capacité de l’arme (pistolet Ruby) : de 7 à 9 cartouches.

Conclusion

En rapprochant les éléments ci-dessus, on peut voir que dés la sortie du pistolet Browning 1900 (seulement 8 ans après l’adoption du revolver), cette arme automatique surclasse dans certains domaines l’arme réglementaire Française du moment :

  • L’arme est plus légère ;
  • L’arme est très compacte ;
  • La fabrication est simple ;
  • La qualité de fabrication est irréprochable ;
  • La maintenance est aisée ;
  • L’arme a un encombrement moindre ;
  • La rapidité de chargement ;
  • La capacité du chargeur est supérieure.

On peut remarquer que la puissance de la munition 7,65 mm est très proche (voir identique) de la cartouche de 8 mm du 1892. Malgré cette proximité, le calibre 7,65 Browning va doter bon nombre de pays et de particuliers à travers le monde provoquant la fabrication de millions d’armes.  Ces armes équiperont diverses forces gouvernementales jusque dans les années 1970 voire 1980. On voit que le reproche de puissance s’efface face aux avantages apportés par le principe d’automaticité. Il est alors possible de placer plusieurs munitions sur un même objectif sans avoir peur de sa puissance ni du temps de rechargement de l’arme.

Le pistolet automatique de calibre 7,65 Browning a donc remplacer ou compléter dans certains cœurs et pour certaines utilisations le revolver MAS mle 1892 ou dérivés. Cependant, bien que son chargement demande un délais plus important et que sa capacité soit inférieure, il ne faut pas oublier que le revolver reste maitre sur certaines portions de l’éventail des utilisations. L’emploi, par les allemands, du revolver MAS mle 1892 sur le front de l’est lors de la seconde guerre mondiale le démontre.

L’évolution rapide du contexte industriel de la fin du 19° siècle et du début du 20°, l’évolution des poudres sans fumée, l’évolution des aciers ont permis une série de bonds en avant technologiques rendant obsolètes certaines armes et techniques de guerre. Le combat au sabre est révolu, l’économie des munitions s’estompe.

Une constante demande de modernité et d’efficacité amènera en haut des marches du podium une autre cartouche de diamètre intermédiaire : le 9 mm luger (dont l’énergie à la bouche est proche des  600 joules). Mais cela est une autre histoire.

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